Conférence - Inégalités genrées et soins médicaux
Mardi 14 mars, 17 h,
à la Faculté de droit, d’économie et de gestion (13, allée François-Mitterrand, à Angers) – amphi Amande
Sur inscription (s’inscrire)
Professeure des universités (biologie cellulaire) – Praticien hospitalier (pneumologie), membre de l’Institut du thorax, Patricia Lemarchand donnera une conférence dans le cadre du Mois du genre, intitulée “Inégalités genrées et soins médicaux – La bicatégorie homme/femme à l’épreuve de la recherche biomédicale”.
L’utilisation de la bicatégorie homme/femme est plutôt récente en recherche biomédicale. Une première étape à partir des années 1990 a consisté à mettre en évidence l’androcentrisme des sciences, le sujet masculin étant jusque-là perçu comme universel, incarnant l’humanité entière, tandis que les femmes étaient renvoyées à une spécificité plus ou moins étroite et marginale. Cela s’était traduit jusqu’alors par l’omission des femmes dans les protocoles de recherche fondamentale, préclinique et clinique. Les financeurs publics de la recherche ont alors cherché à imposer l’inclusion des femmes dans les études biomédicales et à rechercher systématiquement les différences entre les hommes et les femmes, des manifestations cliniques des maladies en passant par les marqueurs biologiques jusqu’aux réponses aux traitements médicaux.
La recherche sur les différences entre hommes et femmes en utilisant les catégories de sexe comme cadre analytique principal est actuellement la plus développée, en particulier dans le domaine des maladies cardiovasculaires. Elle se concentre sur l’identification des différences « corporelles » entre les hommes et les femmes qui ont un impact sur la santé ou les processus biologiques, les affections ou les maladies, et les réponses aux traitements.
La recherche sur les différences entre les genres est similaire, dans la mesure où elle oppose généralement les expériences sociales et culturelles des hommes à celles des femmes afin d’en tirer des connaissances. Dans les deux cas, ces approches sont susceptibles de conduire à l’élaboration d’actions, de traitements ou d’interventions spécifiques au sexe ou au genre, en suggérant que les hommes et les femmes ont besoin de traitements différents basés principalement sur leur catégorie de sexe/genre.
Dans le domaine biologique et médical, la bicatégorie homme/femme est issue d’une vision du “sexe” reposant sur différents niveaux, ou composantes : le sexe génétique, le sexe gonadique, le sexe hormonal, le sexe phénotypique. La biologie accorde un rôle prépondérant à l’élément génétique.
La caractérisation sexuelle dimorphique est ainsi considérée comme un fait établi, fondé avant tout sur une détermination génétique et, par conséquent, le sexe est compris comme une variable biologique fondamentale et indépendante.
Considérer le “sexe” comme une variable biologique en soi pose cependant de nombreux problèmes, au regard notamment de la quasi-absence d’études recherchant les similarités entre les hommes et les femmes et non les différences, du peu d’études avec une méthodologie statistique rigoureuse, et des différences entre les hommes et les femmes souvent faibles, tout ceci conduisant sans doute à une surévaluation des différences. De plus, les différences constatées entre les hommes et les femmes dans un contexte donné peuvent ne pas être généralisables dans un autre contexte, avec le risque de traitement inadapté des individus qui ne sont pas conformes à la moyenne du groupe. Enfin, de nombreux exemples montrent qu’une différence biologique ne signifie pas que cette différence soit d’origine “sexuelle”, ou même d’origine biologique. Outre l’enchevêtrement inextricable du sexe et du genre, l’importance de nombreux autres facteurs est désormais montrée, à travers notamment le développement d’approches intersectionnelles. Finalement, la bicatégorisation homme/femme ne résiste guère à l’examen de la réalité biologique, avec l’impossibilité de définir deux catégories étanches et mutuellement exclusives.
En résumé, considérer le sexe comme une variable biologique a contribué à figer les différences entre les sexes dans une bicatégorisation naturalisée et hiérarchisée, et somme toute artificielle, négligeant notamment l’extrême variabilité à l’intérieur de chaque groupe. De nombreux exemples tirés de la littérature biomédicale, dans le domaine cardiovasculaire comme dans d’autres domaines, seront utilisés pour illustrer cette présentation.
Le Mois du Genre, c'est quoi ?
Le Mois du Genre est un festival scientifique et artistique qui se tient chaque année à Angers et est porté par un collectif de chercheur·es, d’étudiant·es et de membres du personnel de l’Université d’Angers, en partenariat avec divers espaces culturels comme Le Quai (théâtre), Le Centre national de danse contemporaine, le Chabada (musique), le cinéma Les 400 coups ainsi que des libraires.
Il propose une trentaine d’évènements ouverts à un public francophone large dépassant la communauté universitaire et étudiante angevine, grâce à des rediffusions (captations vidéos, podcast) via un site dédié : https://moisdugenre.univ-angers.fr/
En 2023, le thème retenu est celui de l'écoféminisme.
Le Mois du genre se tiendra du 13 février au 18 mars 2023, avec une pause lors de la semaine de vacances universitaires, du 18 au 26 février.
De 17:00 à 18:30