Une thèse pour améliorer le diagnostic des troubles psychiatriques
Publié par Nantes Université, le 16 décembre 2022 940
Les troubles psychiatriques sont des maladies affectant environ 12.5 % de la population mondiale en 2019. Ils sont définis par un une perturbation significante de fonctionnement anormal de la cognition, des émotions, ou du comportement d’un individu. Cela inclus des symptômes tel que des hallucinations, des délusions, une humeur dépressive ou élevée. Différents troubles, tels que la schizophrénie, les troubles bipolaires ou encore la dépression, sont définis selon un ensemble de symptômes et leur intensité pour un individu. Ce sont des troubles dont l’origines est complexes avec des facteurs génétiques et environnementaux et dont les processus biologiques sont encore mal compris.
Le diagnostic des troubles psychiatriques est actuellement entièrement basé les signes et symptômes observés lors de l'évaluation clinique d'un patient, contrairement à d'autres domaines médicaux. Cela peut être problématique dans certains cas, car ces troubles sont complexes et des troubles différents peuvent avoirs un ou plusieurs symptômes en communs.
Pour résoudre ce problème, l’idéal serait d’identifier des indicateurs (biomarqueurs) de la pathologie. Ces marqueurs impliqués dans les processus biologique du trouble seraient susceptibles d’être modifiés selon la progression de la maladie et selon la réponse à un traitement.
Le système immunitaire est actuellement une cible d’un grand intérêt pour la recherche de biomarqueurs des psychoses. Il est possible d’y accéder rapidement et de façon non invasive grâce à une prise de sang. De plus, son lien avec les troubles psychiatriques a été postulé il y a plus d’un siècle et a été soutenu par de nombreuses études scientifiques. Des changements dans les symptômes des troubles psychiatrique sont associés à des changements des réponses immunitaires et inflammatoire. Par exemple, certaines molécules liées à l’inflammation sont d’avantage exprimées dans le sang des patients schizophrènes que dans celui d’individus non schizophrènes.
Aujourd’hui, de nombreuses études ont identifiés de potentiels biomarqueurs. Cependant, aucun n’a été validé et n’est considéré suffisamment caractéristique pour aider les cliniciens à réaliser les diagnostiques des troubles psychiatriques.
Regarder au-delà des frontières du diagnostic pour identifier des biomarqueurs
Ma thèse est basée sur l'hypothèse que nous ne pouvons pas identifier les biomarqueurs d'un trouble mental spécifique en raison du caractère hétérogène et du chevauchement des symptômes au sein et entre les différents troubles.
La base de la classification des troubles mentaux, la dichotomie kraepelinienne qui est encore largement utilisée actuellement, considère que les maladies affectives tel que les dépressions ou les troubles bipolaires sont complétement séparées des troubles psychotiques tel que la schizophrénie. Cependant, cette classification est actuellement remise en question par des recherches biologiques, génétiques et par le fait qu’il y a un nombre important de symptômes communs entre les troubles affectifs et psychotiques.
Le chevauchement des symptômes rend difficile l'identification des biomarqueurs d'un trouble spécifique. En revanche, considérant le lien entre le système immunitaire et les psychoses, il devrait être possible de mesurer dans le sang des molécules liées à la sévérité des troubles psychiatriques.
Méthodes utilisées pour identifier les biomarqueurs
Pour identifier ces molécules, ma thèse utilise des données de la cohorte PsyCourse. Cette cohorte créée par Thomas G. Schulze, directeur l’Institute of Psychiatric Phenomics and Genomics (IPPG) de Munich en Allemagne, est composée d’environ 450 individus sans psychoses et plus 1300 patients atteints de différentes maladies dont les troubles bipolaires et les dépressions majeures, la schizophrénie, et les troubles schizo-affectifs.
Cette cohorte à l’avantage d’être liée à une étude qui évalue jusqu’à 4 consécutives visites espacées de 6 mois. Durant chaque visite de l’étude, les participants ont été évalués intensément à l’aide d’échelle d'évaluation psychiatrique, de questionnaire, de tests cognitifs, et d’entretien diagnostic.
L’objectif est dans un premier temps, d’utiliser les données des différentes visites pour identifier différents groupes de patients selon la sévérité de leurs symptômes. Cette partie a déjà été réalisée et a permis d’identifier deux groupes dont l’un à des symptômes globalement plus sévères que l’autre. Nous sommes en train d’analyser des échantillons sanguins nouvellement prélevés de ces patients pour étudier leur système immunitaire.
Pour décrire avec d’avantage de détails les analyses que je réalise, il me semble nécessaire de rappeler que l’ADN est situé dans le noyau des cellules. Il est enroulé autour de protéines nommées les histones. Ces protéines peuvent être modifiés chimiquement de façon réversible par certains mécanismes cellulaires. C’est ce que l’on nomme une modification épigénétique. Certaines de ces modifications facilite ou au contraire réprime la transcription des gènes en ARN. Certains des ARNs, les ARNs messagers, vont ensuite être traduit en protéines. D’autres ARNs vont avoir d’autres rôles. Par exemples, les micro-ARN (miRNA) permettent la formation d’un complexe protéique qui utilise la séquence du miRNA pour reconnaitre de façon spécifique certains ARN messagers et les dégrader pour réguler la quantité de protéines produites.
Schéma représentant les procédés cellulaires étudiée ©Cedric Jacqueline
Lors de ma thèse, je cherche à mesurer les types et quantité des cytokines (des protéines qui sont sécrétées par des cellules pour stimuler d’autres cellules à distance) Des cellules immunitaire dans le sang. La modification épigénétique (H3K27ac) qui est une marque de l’activation de la transcription de l’ADN. Je souhaite également séquencer les ARN messagers et les micro-ARN de ces cellules.
Pour chaque patients inclus dans l’étude, l’ensemble de ces données sera utilisé pour obtenir un profil de leur système immunitaire. Nous comparerons ensuite les profils des deux groupes de patient afin identifier des différences pouvant être employées comme biomarqueurs de la sévérité des psychoses. Ces biomarqueurs seront validés grâce à une seconde cohorte de patients atteint de psychoses que nous sommes en train de créer avec le CHU de Nantes.
Ma thèse permettra donc d'aider à identifier des biomarqueurs de la sévérité des troubles mentaux sévères, dont l'étude permettra, d’augmenter nos connaissances sur le développement de ces maladies et ainsi d'améliorer leur diagnostic et leur traitement.
Article écrit par Pierre Solomon, doctorant au CR2TI (UMR1064) à Nantes. Il travaille sur l’identification de molécules biologiques qui sont associées au développement des troubles psychiatriques. |