Une BD sur l’accueil des exilés dans les campagnes

Publié par Cédric Paquereau, le 14 avril 2023   810

Des chercheurs et illustrateurs ont croisé leurs regards pour raconter le quotidien de migrants en milieu rural et des personnes qui leur apportent un soutien. Quatre courtes BD sont nées de cette collaboration. Elles sont réunies dans Carnets mêlés, librement téléchargeables.

De septembre 2020 à décembre 2022, le programme Campos (Les campagnes de l’Ouest au défi de la circulation internationale et des solidarités) a fédéré une équipe de chercheurs spécialistes des migrations internationales et des mobilités. Leur travail a consisté à s’interroger sur le rôle des campagnes dans l’accueil des populations exilées. « Dès le départ, le parti pris était de ne pas produire un énième article en conclusion de ce programme, mais de produire une BD à partir de ce travail, explique David Lessault, géographe et porteur du projet financé par l’Université d’Angers. Une BD qui ne se contenterait pas de valoriser des résultats de recherche mais qui serait issue d’une véritable démarche de partage avec des illustrateurs, avec un échange de points de vue, pour aboutir à quelque chose qui soit une production artistique en soi ».

Avec l'Atelier Kawa

Thierry Maunier et David Lessault ont travaillé main dans la main.

Pour ce faire, le chercheur au CNRS s’est rapproché de l’Atelier Kawa avec lequel il avait déjà collaboré en 2019 pour une précédente BD, Village global, cosignée avec Damien Geoffroy. Basé à Mazé-Milon, à 25 km d’Angers, l’Atelier Kawa fédère dix illustrateurs qui partagent un local, du matériel et des idées. « En France, nous sommes le seul atelier de ce style implanté en milieu rural », souligne son président Thierry Maunier, alias Téhem. « C’était intéressant de travailler sur l’immigration en milieu rural avec une structure qui était elle-même hors de la ville », complète David Lessault.

En 2022, un premier stage commun de création a été organisé entre chercheurs et illustrateurs. « Ce qui était intéressant, c’est que, d’habitude, pour des sujets scientifiques, les chercheurs arrivent avec un scenario déjà bouclé et nous demandent de l’illustrer. Là, on a créé l’histoire ensemble la fiction de A à Z », se félicite Thierry Maunier.

À partir de récits de terrains, d’échanges, quatre histoires se sont dégagées. Les six géographes, sociologue et socio-anthropologue impliqués, issus des universités d'Angers, de Nantes, de Rennes 2 et de Tours, et les quatre illustrateurs de l’Atelier Kawa, se sont revus pour un second temps de création, durant lequel ils ont pu affiner le scénario, les dialogues et imaginer la trame des illustrations. Ainsi est né Carnets mêlés.

24 planches

Sorti fin janvier 2023, le document rassemble quatre histoires, chacune illustrée en six planches, suivies d’un court texte d’explication et de décryptage de la situation présentée. Elles donnent à voir, de manière sensible, les obstacles rencontrés par les exilés, migrants, réfugiés, demandeurs d’asile ou sans papiers, et notamment l’éloignement des services publics ou encore le rôle central de la voiture pour les déplacements. « Ce sont des contraintes que les gens de la campagne connaissent bien, mais qui sont exacerbées avec des migrants qui ont peu d’autonomie », note David Lessault.

L’ouvrage montre aussi les solidarités à l’œuvre, la difficulté de coordonner les différentes actions publiques et citoyennes… « On voulait donner de la visibilité à ces bénévoles et citoyens qui prennent le relais des politiques publiques sur place, souligne le chercheur en accueil à l’unité ESO-Angers. Ce sont des gens pas toujours formés qui se mobilisent avec le cœur, mais qui sont parfois un peu dépassés par les événements. Donc on peut assister à des situations cocasses. C’est l’avantage de la BD : elle sert aussi à dédramatiser tout cela ».

Le tirage papier a volontairement été limité à 50 exemplaires. En revanche, le fichier des Carnets mêlés est en libre accès en ligne. « Il tourne déjà dans des collèges et des lycées, où des enseignants s’en servent pour leur cours », se réjouit David Lessault.