Les processus de branchement : un défi théorique et des applications variées
Publié par Thi Da Cam Pham, le 12 mai 2024 370
Les processus de branchement
Appelés aussi « processus de Galton-Watson », du nom de leurs inventeurs, ces processus sont des outils mathématiques puissants utilisés dans divers domaines, par exemple dans l'étude de la dynamique des populations ou la propagation des épidémies. Ils ont en particulier permis de décrire les cascades de contamination dans l’épidémie récente du Covid 19, en lien avec le fameux taux « R zéro » dont on a tant parlé dans les médias. Les mathématiciens ont simplifié certains modèles, démontrant que les outils existants offraient des résultats suffisamment proches des modèles les plus lourds et complexes. Ainsi, le processus de Bienaymé-Galton-Watson est un modèle stochastique tout à fait adapté à l’étude du début des épidémies.
« Vous avez quelqu’un qui se reproduit avec un taux appelé R zéro (R0), qui devient le nombre moyen de personnes infectées par un malade dans le cas des épidémies »(1)
Détaille Jean-Stéphane Dhersin, mathématicien et directeur adjoint au CNRS. Ce R0 était d’environ 2,5 pour Covid-19 en mars 2020, et nécessitait alors qu’environ 60 % de la population soit contaminée pour que l’immunité collective puisse faire régresser l’épidémie.
De façon générale, l’intérêt de ces processus réside dans leur capacité à modéliser la croissance et l'évolution des systèmes où des éléments individuels peuvent engendrer de nouveaux éléments de manière probabiliste. Cette propriété les rend particulièrement pertinents pour comprendre comment les individus infectés peuvent propager une maladie au sein d'une population, et comment cette propagation peut varier en fonction de divers facteurs tels que la contagiosité de la maladie, les interactions sociales et les mesures de contrôle mises en place.
Origine des processus de branchement
Les processus de branchement trouvent leurs origines dans les travaux pionniers de Sir Francis Galton et Henri William Watson au 19e siècle. Sir Francis Galton était un cousin de Charles Darwin. Il fut anobli en 1909 pour ses travaux en statistique. En 1873, il pose dans le journal «Educational Times» la question de la disparition des patronymes de la noblesse anglaise. La réponse fût apportée par Henri William Watson, un révérend féru de mathématiques. Nous sommes aujourd’hui bien loin de l’objectif initial qui était de surveiller la survivance des noms de la noblesse britannique : ces processus sont aujourd’hui développés et appliqués dans de nombreux autres domaines, notamment la biologie, l'économie, la sociologie et l'épidémiologie.
Description des processus de branchement
Un processus de branchement est généralement défini par une série de règles probabilistes qui déterminent comment chaque élément individuel (ou "membre") d'une génération donnée engendre des membres de la génération suivante. Ces règles peuvent varier en fonction du type de processus de branchement, mais l'idée fondamentale est que chaque membre a un certain nombre moyen de descendants, et que ces descendants sont produits de manière indépendante les uns des autres, selon une certaine distribution de probabilité.
Milieu aléatoire et processus multi-types
Dans de nombreux contextes, les processus de branchement sont étudiés dans le cadre de milieux aléatoires, où les paramètres du processus, tels que le nombre moyen de descendants par membre, peuvent varier aléatoirement d'un individu à l'autre. Cela permet de modéliser des situations où les individus sont soumis à des conditions environnementales variables, ou où ils interagissent de manière aléatoire les uns avec les autres. Cette extension du modèle présente des difficultés assez diaboliques, utilisant des résultats parmi les plus récents en calcul des probabilités et donnant lieu à un nombre impressionnant de publications scientifiques depuis une cinquantaine d’années.
Les processus multi-types sont une extension des processus de branchement dans lesquels il existe plusieurs types d'individus, chacun pouvant engendrer des descendants de différents types avec des probabilités spécifiques. Cette généralisation permet de modéliser des situations plus complexes où différents groupes d
'individus interagissent les uns avec les autres de manière différente.
Références importantes :
Harris, T. E. (1963). The Theory of Branching Processes. Springer.
Athreya, K. B., & Ney, P. E. (2004). Branching Processes. Dover Publications.
Diekmann, O., Heesterbeek, J. A., & Metz, J. A. (1990). On the definition and the computation of the basic reproduction ratio R0 in models for infectious diseases in heterogeneous populations. Journal of Mathematical Biology, 28(4), 365-382.
Ces références offrent une introduction approfondie à la théorie des processus de branchement et à leurs applications dans divers domaines, y compris l'épidémiologie.
Thi Da Cam PHAM(2)
(1) https://lejournal.cnrs.fr/arti...
(2) Thi Da Cam Pham est enseignante-chercheuse en mathématiques à l’école d’ingénieur ESAIP à Saint Barthélémy d’Anjou et chercheuse associée au Laboratoire Angevin de Recherche en Mathématiques (LAREMA) à Angers. Sa thèse, soutenue en décembre 2018 à Tours, portait sur la vitesse d’extinction d’un processus de Galton-Watson multi-type en environnement aléatoire. Elle poursuit aujourd’hui ses recherches au sein du CERADE, le laboratoire de recherche de l’ESAIP, et du LAREMA. Elle bénéficie depuis 2022 d’un financement régional PULSAR.
Image de couverture : Benutzer:Benson.by, CC BY-SA 3.0 <;, via Wikimedia Commons