Au coeur de l'Espace #1 - Interview : focus sur les colères du Soleil !

Publié par Audrey Lavau-Girard, le 8 mars 2023   700

Le cycle des confs astro 2023 a ouvert ses portes!

impulsé par Terre des Sciences et co-organisé par Terre des Sciences, le Laboratoire de Planétologie et Géosciences (CNRS / Nantes Université / Université d'Angers / Le Mans Université), l'association Curiosity-Eseo, l'association Ciel d'Anjou.

C'était le 28 février dernier que nous avons eu le plaisir d'accueillir Nicole Vilmer, astrophysicienne, spécialisée en physique solaire et météorologie de l’espace, directrice de recherche au CNRS, Laboratoire d’Études Spatiales et d’Instrumentation en Astrophysique de Meudon [Observatoire de Paris-PSL/CNRS/Sorbonne Universités/Université Paris Diderot] pour une conférence intitulée " Les colères du Soleil ".

Pour Échosciences, notre intervenante répond à 4 questions pour aborder les points essentiels de la conférence. En fin d'article, retrouvez le " replay" de la conférence de Nicole Vilmer, pour aller plus loin !

1/Nicole Vilmer, vous êtes astrophysicienne et le principal sujet de vos travaux de recherche est le Soleil. Quels attraits vous ont le plus particulièrement attirés dans cette étoile ?

De part sa proximité par rapport aux autres objets astrophysiques, nous avons à notre disposition énormément d’observations à haute résolution spatiale, temporelle permettant d’apporter de nombreuses contraintes à la modélisation de ce qui se passe sur le soleil.

Les observations astronomiques de « notre étoile » que nous voyons tous les jours comme un disque jaune peu variable, m’ont toujours fasciné par la multitude d’aspects extrêmement variables de notre étoile, dès que nous observons le soleil avec nos instruments astronomiques.

J’ai été également très intéressée à comprendre comment l’activité solaire affecte notre environnement (par exemple la création d’aurores boréales).

2/ Vous êtes spécialisée dans la physique solaire, pourriez-vous nous présenter ce domaine de recherche et ses enjeux ?

La physique solaire est l’étude du comportement du Soleil qui est « notre étoile ». Le but de ces études est de comprendre comment le Soleil fonctionne : comment il génère son énergie qui ensuite est rayonnée vers les planètes solaires, de comprendre le cycle d’activité solaire (évolution du nombre de taches à la surface du soleil avec une période moyenne de 11 ans), l’activité éruptive du soleil qui génère éruptions, éjections coronales de masse et particules énergétiques.

Actuellement, la physique solaire est très couplée aux études de l’héliosphère (physique de l’héliosphère). L’héliosphère est la bulle de plasma autour du Soleil (taille de plus de 10O Unités Astronomiques) dont les paramètres et le comportement sont déterminés par les conditions solaires (vent solaire, champ magnétique interplanétaire).

Enfin la physique des relations soleil-terre (étude de l’impact du soleil et de son activité sur l’environnement terrestre) a évolué à l’heure actuelle vers des activités en météorologie de l’espace. Cette discipline vise à observer, comprendre et prédire l'état du Soleil, de l’environnement interplanétaire et planétaire et leurs perturbations, avec une attention particulière aux impacts potentiels de ces perturbations sur les systèmes technologiques.

3/La nature des taches solaires [ndlr : zones où le champ magnétique est particulièrement intense] auraient été une longue controverse, pouvez-vous nous expliquer en quoi ?

Les taches solaires sont des régions sombres visibles à la surface su soleil (avec des télescopes). Le nombre de taches varie avec le temps. Il passe par un maximum en moyenne tous les 11 ans. Ces taches apparaissent comme plus sombres car elles correspondent à des régions plus froides que le reste de la surface du soleil. Nous savons maintenant que ces régions correspondent à des concentrations de champ magnétique.

Image de taches solaires (crédit Swedish Solar Telescope)

Les taches ont commencé à être observées de façon régulière en Europe au XVIIe siècle grâce à la lunette astronomique mise au point par Galilée. La présence de taches sombres à la surface du soleil est contraire à la doctrine de l'époque pour qui le Soleil était immaculé. Certains pensent que les taches ne sont que l'ombre de planètes orbitant près du Soleil, mais Galilée réfute rapidement cette interprétation car les taches n’ont pas une forme circulaire mais des formes irrégulières variables.

Dans un premier temps, elles sont interprétées comme un type de nuage dans l'atmosphère solaire. Ce n’est qu’au début du XXe siècle que la nature magnétique des taches solaires est établie, grâce aux observations spectroscopiques réalisées par George Ellery Hale et ses collaborateurs qui démontrent que les taches abritent des champs magnétiques très intenses.

4/ Dans votre conférence, vous abordez par ailleurs les aurores polaires suite à celle observée en France le 27 février 2023. Comment se forme ce phénomène ?

Les aurores polaires (boréales dans l’hémisphère Nord et australes dans l’hémisphère Sud) sont généralement visibles la nuit, dans les régions proches des cercles polaires (vers 60° de latitude). Ce sont des grands voiles colorés (souvent verts) dansant dans le ciel d’un horizon à l’autre. Les aurores peuvent également avoir des couleurs rouges ou violettes. Lorsqu’elles sont vues à l’œil nu (j’ai vu en particulier celle que nous avons prise en photo, ci-dessous) , elles sont beaucoup moins visibles et moins intenses.

Photo d’une aurore observée à Tromsoe (Norvège) le 20 Janvier 2023(crédit : N. Vilmer)

L’origine des aurores est maintenant bien connue. Elles sont liées par un processus complexe à l’interaction du vent solaire (vent de matière ionisée peu dense mais très rapide) avec le champ magnétique de la terre. Les aurores sont produites par les atomes d’oxygène présents dans l’atmosphère terrestre lorsqu’ils sont excités par des électrons énergétiques accélérés dans la queue de la magnétosphère terrestre (couleurs vertes et rouges). Les molécules d’azote de l’atmosphère terrestre produisent des couleurs rouge, bleu et violets dans le spectre des aurores.

Lorsque l’activité solaire est intense et produit une activité géomagnétique (orages géomagnétiques) intense, la région d’observation des aurores se déplace vers les latitudes terrestres plus au sud et peuvent ainsi être observées de façon exceptionnelles en France (cela a en particulier été le cas le 27 Février 2023).

Crédits :

- Interview Echosciences réalisé par : Audrey Lavau-Girard, programmatrice-événementiel, CCSTI Terre des Sciences.

- Intervenante : Nicole Vilmer,  astrophysicienne, spécialisée en physique solaire et météorologie de l’espace, directrice de recherche au CNRS, Laboratoire d’Études Spatiales et d’Instrumentation en Astrophysique de Meudon [Observatoire de Paris - PSL/CNRS/Sorbonne Universités/Université Paris Diderot]

Pour aller plus loin, la conférence en "replay" :

Conférence du 27 février 2023