Lancement du projet METABOU – vers une compréhension neuropsychologique du craving alimentaire

Publié par Valentin Flaudias, le 24 octobre 2024   200

Le projet METABOU est une étude, financée par la région des Pays-de-la-Loire, Nantes Université et le Laboratoire de Psychologie des Pays de la Loire, avec un objectif assez simple mais ambitieux : mieux comprendre ce qui déclenche les envies alimentaires irrésistibles chez les personnes souffrant de boulimie et d’hyperphagie boulimique. Ces deux troubles alimentaires se traduisent par des épisodes de consommation alimentaire incontrôlable, mais avec une différence notable : la boulimie est souvent suivie de comportements compensatoires (comme les vomissements), alors que l’hyperphagie boulimique n’est pas compensée de cette manière.

Pourquoi s’intéresser aux envies alimentaires ?

Ces envies alimentaires, aussi appelées cravings, sont un élément clé dans les troubles alimentaires et les addictions. Le craving, c’est ce désir incontrôlable de manger ou consommer une substance, même lorsque l’on sait que ce n’est pas bon pour nous. C’est un peu comme une lutte intérieure : on veut résister, mais le désir prend le dessus. Les chercheurs se demandent pourquoi il est si difficile de résister à ces envies, et comment elles se déclenchent dans le cerveau.

Comment définir le craving et quelles sont nos hypothèses?

Traditionnellement, les scientifiques pensaient que les comportements addictifs, comme manger de manière compulsive, étaient liés à un dérèglement de deux systèmes dans notre cerveau : un système automatique, qui réagit de façon impulsive face à un aliment ou à une substance, et un système réflexif, qui est censé freiner ces impulsions et permettre de faire un choix rationnel.

Mais ce modèle n’explique pas totalement pourquoi certaines personnes n’arrivent pas à résister aux envies alimentaires, même lorsqu’elles essaient de se contrôler.

Pour aller plus loin dans le projet METABOU nous utilisons un modèle à trois composantes : le système automatique, qui réagit spontanément aux signaux alimentaires (par exemple, la vue d’un gâteau peut déclencher une envie de le manger) ; le système réflexif, qui est là pour freiner ces envies en utilisant la logique et le contrôle de soi ; et le système intéroceptif, qui gère les signaux internes du corps, comme la sensation de faim ou de satiété.

En plus de cela, nous nous intéressons à ce qu’on appelle la métacognition, c’est-à-dire la capacité de chacun à comprendre et à gérer ses propres pensées et émotions. L’idée, c’est que certaines personnes pourraient mieux gérer leurs envies alimentaires si elles étaient plus conscientes de leur fonctionnement interne.

Que va-t-il se passer dans l’étude ?

Dans cette étude, nous allons recruter deux groupes de femmes : l’un avec des participantes souffrant de boulimie et l’autre avec des participantes ayant de l’hyperphagie boulimique. Elles seront soumises à différentes expériences pour observer leurs réactions face à des images alimentaires (comme des photos de nourriture appétissante) et mesurer l’intensité de leur craving.

Les participantes devront aussi remplir des questionnaires et passer des tests pour évaluer leurs émotions, leur contrôle attentionnel et leur capacité à gérer leurs envies alimentaires. L’objectif est de comprendre comment fonctionnent les trois systèmes mentionnés précédemment, et comment ils interagissent entre eux. De plus, une étude similaire sera conduite auprès d’une population saine, n’ayant pas de troubles des conduites alimentaires, afin de pouvoir comparer les résultats avec une population contrôle.

Pourquoi mener des recherches sur ce sujet ?

Cette étude pourrait avoir des retombées concrètes. Comprendre les mécanismes derrière ces envies incontrôlables permettrait d’améliorer les traitements des troubles alimentaires. Par exemple, cela pourrait conduire à des thérapies plus ciblées en lien avec le craving.

De plus, ce projet va permettre d’aider à développer des outils cliniques (notamment des mesures neuropsychologiques) pour mieux évaluer les patients, en identifiant précisément les facteurs qui déclenchent leurs cravings. Cela pourrait aussi encourager davantage de recherches sur le craving dans les troubles alimentaires, un domaine encore peu exploré mais essentiel pour améliorer la prise en charge des personnes concernées.

Les résultats sont attendus dans le courant de l’année 2025.

Illustration : https://pxhere.com/fr