La mitochondrie, notre radiateur cellulaire
Publié par L'équipe de recherche MitoLab, le 15 décembre 2023 850
Et si notre corps était équipé d'un thermostat permettant de réguler la température interne ? La découverte d'un mécanisme de refroidissement des mitochondries ouvre des perspectives inédites.
Rencontre avec Florian Beignon, post-doctorant dans l'équipe MitoLab.
Au cours de ma thèse de doctorat, j’ai étudié le rôle des mitochondries dans la production de chaleur, ou thermogenèse, au cœur des cellules qui composent nos tissus et nos organes.
Au-delà du rôle bien défini des mitochondries dans la production d’énergie pour nos cellules, elles jouent également un rôle majeur dans le maintien de notre température corporelle grâce à la grande quantité de chaleur qu’elles génèrent lors de leur activité.
En effet, à l’image d’un moteur en fonctionnement qui chauffe, les mitochondries dissipent une grande partie de l’énergie qu’elles produisent sous forme de chaleur, ce qui augmente leur température au-delà des 37°C. Mon projet de recherche a d’ailleurs été initié suite à des études récentes au cours desquelles des chercheurs ont mesuré la température des mitochondries avec des estimations maximales qui avoisinent les 50°C. Ces observations ont suscité beaucoup d’intérêt et d’interrogations au sein de la communauté scientifique car elles nous obligent à reconsidérer notre vision de la régulation de la température au sein de nos cellules, et ce pour plusieurs raisons.
D’une part, le fait que la température des mitochondries se situe autour de 50°C implique qu’il existe un gradient de température d’environ 10°C entre les mitochondries et le reste de la cellule puisque notre corps est maintenu à 37°C. Cependant, d’un point de vue purement physique, une telle différence de température sur une échelle de taille aussi petite (de l’ordre du nanomètre) paraissait impossible. Néanmoins, suite à des études plus approfondies, plusieurs résultats indiquent désormais que l’existence d’un gradient de température important entre les mitochondries et le reste de la cellule serait effectivement possible. Au final, même si la valeur précise de la température des mitochondries doit encore être confirmée par des études futures, celle-ci semble être bien supérieure à celle de notre corps.
D’autre part, une température mitochondriale de 50 °C va à l’encontre de l’hypothèse suggérant que les fonctions biologiques seraient optimales à 37 °C. De plus, si la température des mitochondries est aussi élevée, cela va nécessairement impacter leur fonctionnement car la température modifie l’activité des protéines ou la fluidité des membranes biologiques. Par ailleurs, les mitochondries ne produisent pas la même quantité de chaleur en fonction de leur activité ou des organes qu’elles alimentent. Il paraît donc logique d’imaginer qu’il existe un mécanisme qui permet de contrôler la température des mitochondries. Ainsi, tout comme des radiateurs qui réchauffent une pièce, nos mitochondries réchaufferaient nos cellules grâce à un thermostat qui permettraient de contrôler la température des mitochondries et d’optimiser leur fonctionnement en fonction des besoins de la cellule. C’est d’ailleurs sur cet aspect que mes recherches se sont concentrées.
Au cours de mes recherches, j’ai notamment pu identifier un mécanisme qui permet de refroidir la mitochondrie. Cette découverte présente des intérêts majeurs puisque la caractérisation de ce mécanisme nous permettrait de contrôler la température des mitochondries et par conséquent de contrôler globalement ou localement la température de notre corps. Cela pourrait avoir des applications en santé humaine dans le cadre d’une dérégulation de la température du corps qui survient par exemple lors d’une inflammation ou dans les coups de chaleurs.
Dr. Florian Beignon, post-doctorant dans l’équipe Mitolab, Unité MITOVASC (CNRS, INSERM, Université d’Angers).
Cet article est issu d'une série de podcasts réalisée en en collaboration avec l'association étudiante Indésciences.