La méta-analyse : Quand la science croise ses données pour mieux décider

Publié par Hélios Bertin, le 28 avril 2025   5

Je suis chirurgien maxillo-facial et dans ma pratique clinique quotidienne je suis confronté à des pathologies et malformations faciales rares dont les traitements s’appuient sur des études scientifiques parfois contradictoires et faites sur des petits échantillons de malades. La recherche du meilleur soin possible dans l’état actuel des connaissances fait partie du contrat de soin qui nous unit au malade, au même titre que la compétence, la bienveillance, l’information loyale et la liberté du consentement.

La méta-analyse est une méthode statistique qui combine les résultats de plusieurs études indépendantes sur un même sujet. C’est un peu comme faire la moyenne des moyennes pour avoir une vue d’ensemble plus précise. Cette méthode améliore la fiabilité des résultats et constitue un pilier de la médecine fondée sur les preuves.

La méta-analyse suit une méthodologie logique (rassembler, trier, comparer et conclure) en apparence simple mais qui nécessite un apprentissage rigoureux. Après ma thèse de sciences portant sur l’étude du microenvironnement tumoral de tumeurs osseuses des mâchoires, j’ai voulu revenir à des problématiques plus cliniques. J’ai donc posé mes valises pour un an à Montréal et intégré l’équipe de Svetlana Komarova à l’Université McGill. J’ai pu profiter d’un accompagnement méthodologique dans ma démarche de recherche :

1. Je me posais la question de l’efficacité d’un traitement anti-ostéoporotique (les bisphosphates) dans la dysplasie fibreuse, une maladie rare qui fragilise les os des membres et du visage. En particulier je souhaitais évaluer l’effet de ces traitements sur la réduction de la douleur des patients puisque les études prises isolément étaient peu contributives.

2. Le processus de sélection des études a interrogé plusieurs bases de données médicales (la plus connue étant PubMed) à l’aide de mots clés et de filtres. Puis les études ont été classées selon des paramètres de qualité méthodologique, de population étudiée, ou encore selon l’existence de résultats complets ou non.

3. Une grande partie du travail a consisté en l’extraction des données des patients avant et après traitement soit sous la forme de moyennes soit sous la forme de données individuelles.

4. Puis ces résultats ont été combinés à l’aide d’un logiciel statistique en accès libre (Review Manager, groupe Cochrane, 2020). Il a été possible de mener différentes analyses dans plusieurs groupes de patients en résumant par exemple les effets chez les enfants, chez les adultes, selon les traitements utilisés, etc.

Ce travail a confirmé une efficacité de l’ordre de 32% sur la réduction de la douleur des patients traités. Néanmoins il faut garder l’esprit critique quant à l’interprétation des résultats : lorsque les études sont de mauvaise qualité, les résultats de la méta-analyse le sont aussi, étudier l’effet d’un médicament sur des études avant-après ne vaut pas de comparer ce traitement au placebo. Enfin il est d’usage en médecine de ne pas publier des résultats négatifs, or la publication de ce type de résultats pourrait alimenter les méta-analyses et fournir des conclusions plus robustes. Fort de cette expérience je suis maintenant capable d’appliquer cette méthode dans ma discipline pour comparer des techniques chirurgicales, ou encore analyser des complications chirurgicales même rares.

Dr Hélios Bertin

Service de chirurgie maxillo-faciale, CHU de Nantes

La publication originale est accessible via ce lien :

https://link.springer.com/article/10.1007/s11154-023-09832-2

Ce travail a bénéficié de l’aide de la région Pays de la Loire (dispositif PULSAR).