Structures et fonctions mitochondriales
Publié par Bettina Djerroud, le 16 novembre 2023 2k
Voyage en biochimie et en biologie cellulaire à la découverte de la dynamique mitochondriale, le cœur de nos cellules en mouvement.
Rencontre avec le Dr. Arnaud Chevrollier, professeur associé à l’IUT d’Angers et chercheur dans l’équipe MitoLab, (CNRS, INSERM, Université d'Angers).
Je vous invite en quelques lignes dans mon univers scientifique, le monde des mitochondries. Pour cela, je vous emmène au cœur de nos cellules.
Les cellules vivantes ont des activités électriques ou mécaniques. Pour citer quelques exemples, celles du tissu nerveux transmettent des informations de neurones à neurones, de neurones aux cellules musculaires, et les cellules cardiaques se contractent pour permettre au cœur de battre. Ces activités nécessitent de l’énergie sous forme de molécules chimiques utilisable par les enzymes.
Dans la cellule, des structures compartimentées et spécialisées, les mitochondries, sont en charge de produire cette molécule énergétique. La mitochondrie possède un ensemble d’enzymes, une machinerie enzymatique, capable de transformer les métabolites (petites molécules organiques) issus de notre alimentation en une molécule chimique utilisable nommées adénosine triphosphate ou ATP. Ça, c'est la partie biochimie de mon métier. On dose cette ATP pour connaitre l'activité de synthèse des mitochondries.
Cependant, le fonctionnement de cette machinerie repose sur une organisation structurale très complexe (figure 1). Les mitochondries sont des structures compartimentées très particulières : une couche de phospholipides ou membrane lipidique enveloppe une seconde membrane. Une membrane interne fait donc face à une membrane externe, ce qui isole très fortement un vaste compartiment, la matrice, du reste du milieu intracellulaire. La matrice est elle-même cloisonnée par des poches de membranes que l’on appelle des crêtes et qui se fixent sur la membrane interne. La jonction de ces crêtes est très contrôlée car leur composition chimique est très importante pour l’activité énergétique des mitochondries.
L’objectif de mes recherches est de comprendre le lien entre la composition des membranes, leurs formes et leurs activités. Cependant les mitochondries sont des objets biologiques très petits, des tubes de quelques micromètres de long avec un diamètre de 200nm soit 200 milliardièmes de mètre. Pour les étudier, il faut des outils performants de microscopie.
La microscopie optique, couplée à l’utilisation de molécules fluorescentes a récemment permis d’ouvrir un vaste champ d’observation en biologie cellulaire. Ces molécules fluorescentes ont la propriété très intéressante d’émettre de la lumière sous l’action d’une lumière extérieure (figure 2). Nous pouvons marquer des mitochondries avec des molécules fluorescentes et les mitochondries s’allument !
Il a ainsi été découvert l’incroyable organisation des mitochondries dans les cellules et leur étonnante dynamique. En effet, les mitochondries changent de forme, peuvent fusionner, former des vastes réseaux connectés et se séparer, et s’isoler les unes des autres (figure3).
Les membranes internes sont aussi dynamiques. Elles montrent un remodelage continu.
Les travaux de recherche scientifique sur la compréhension de ces mécanismes sont très actifs. C'est la partie biologie cellulaire de mon travail, on cherche à connaître les éléments qui assurent la structuration des mitochondries et qui en modifient leur forme.
En même temps, le développement des outils d’imagerie a permis de visualiser jusqu’à la localisation des protéines au sein des mitochondries. Cette microscopie de super-résolution a permis de franchir les limites de la résolution optique et il est ainsi possible de suivre sur quelques secondes voire quelques minutes, le signal de molécules au sein des mitochondries.
Ces recherches sont d’autant plus importantes que plusieurs protéines sont directement liées à des pathologies chez l’homme. L’équipe de recherche dans laquelle je travaille est spécialisée dans l’étude des maladies mitochondriales et les atteintes neurodégénératives (maladies chroniques progressives qui touchent le système nerveux central).
Il y a de nombreux liens entre des mutations génétiques et les atteintes de la structure et de la fonction des mitochondries. La relation entre structure et fonction est couplée : une modification de la fonction mitochondriale peut avoir des conséquences sur la structure même des mitochondries et empêcher par exemple la mobilité des mitochondries au sein des neurones. Cela engendre d’autres conséquences plus complexes. Au sein des mitochondries, les crêtes et les membranes internes sont indispensables à la mise en place de différences de concentration de certains ions entre deux compartiments. Ces gradients ioniques sont eux-mêmes indispensables à la synthèse d’ATP.
Récemment, notre équipe a travaillé sur l’impact de l’activité de la chaîne respiratoire mitochondriale et de la production d’ATP sur ces équilibres. Lorsque ces activités sont bloquées, les mitochondries qui étaient jusque-là connectées, se séparent et se fragmentent pour devenir isolées avant d’être dégradées par la cellule. Cependant, dans certaines conditions, nous avons démontré que les mitochondries disposent d’un mécanisme qui leur permet de préserver leur structure même lorsque la synthèse d'ATP est bloquée.
Il y a encore tout un travail à effectuer pour comprendre ces mécanismes, identifier des moyens d’intervenir dans ces mécanismes et développer des pistes thérapeutiques pour à terme traiter les maladies de la dynamique mitochondriale.
Dr. Arnaud Chevrollier, Professeur associé à l’IUT d’Angers, Chercheur dans l’équipe Mitolab, Unité Mitovasc (CNRS, INSERM, Université d’Angers). Responsable du plateau technique de microscopie optique et électronique du site en santé, SCIAM.
Cet article est issu d'une série de podcasts réalisée en en collaboration avec l'association étudiante Indésciences.