La déprescription : un enjeu majeur pour la santé publique, avec Nantes en pointe de la recherche
Publié par Jean-François Huon, le 14 novembre 2024
Dans un contexte médical où la polypharmacie devient de plus en plus courante, notamment chez les personnes âgées, la déprescription émerge comme une solution innovante et cruciale pour optimiser les traitements et améliorer la qualité de vie des patients. La déprescription, ou l’arrêt ou la réduction des médicaments inutiles ou inappropriés, est un domaine d’intérêt grandissant, particulièrement dans les Pays de la Loire, et plus spécifiquement à Nantes, où de nombreux chercheurs, médecins et pharmaciens jouent un rôle central dans son développement.
Qu'est-ce que la déprescription ?
La déprescription désigne un processus clinique structuré visant à réduire le nombre de médicaments pris par un patient, lorsque ceux-ci ne sont plus nécessaires ou sont potentiellement nuisibles. Cela peut concerner des médicaments prescrits de manière chronique, qui peuvent entraîner des effets indésirables, des interactions médicamenteuses ou une altération de la qualité de vie. L'objectif de la déprescription est de rendre le traitement plus adapté aux besoins actuels du patient tout en évitant les risques de surconsommation médicamenteuse.
Ce processus nécessite une évaluation soignée de la pertinence des médicaments et doit être effectué de manière progressive, avec le suivi médical adéquat, pour minimiser les risques de complications.
Pourquoi la déprescription est-elle importante ?
L'une des raisons majeures pour lesquelles la déprescription prend une place de plus en plus centrale dans les pratiques médicales réside dans la question de la polypharmacie, un phénomène qui touche une part croissante de la population, notamment les personnes âgées. En effet, selon plusieurs études, plus d'un tiers des patients âgés de plus de 65 ans prennent cinq médicaments ou plus de manière régulière. Si la polypharmacie permet parfois de traiter plusieurs pathologies simultanément, elle comporte également de nombreux risques : interactions médicamenteuses, effets secondaires graves, perte d'autonomie, ou encore hospitalisations évitables.
Les enjeux de la déprescription sont donc multiples : améliorer la qualité de vie des patients, réduire les hospitalisations liées à des prescriptions inappropriées, limiter les coûts liés à la prise en charge des effets indésirables des médicaments, et permettre une meilleure gestion des traitements au long cours.
La déprescription : un domaine d’innovation à Nantes
La ville de Nantes et ses chercheurs se sont imposés comme des pionniers dans la recherche et la mise en œuvre de la déprescription. En particulier, des médecins généralistes et des pharmaciens cliniciens tels que le Pr Jean-Pascal Fournier, le Dr Jérôme Nguyen, le Dr Thomas Morel, le Dr Jean-François Huon et le Dr Pierre Nizet, jouent un rôle central dans ce domaine.
Ces chercheurs ont non seulement publié de nombreux travaux scientifiques sur la déprescription, mais ils ont également obtenu des financements importants pour mener des études visant à évaluer des actions concrètes d'implémentation de la déprescription, tant en soins primaires qu’à l’hôpital. Leur approche est souvent interprofessionnelle, favorisant la collaboration entre médecins, pharmaciens, infirmiers et autres professionnels de santé pour optimiser la prise en charge des patients.
L’une des initiatives marquantes a été l’obtention de multiples appels à projets financés par le Ministère de la Santé, qui permettent de tester et d’évaluer les meilleures pratiques pour réussir la déprescription, en particulier dans le cadre de la médecine de ville et de soins hospitaliers. Ces projets ont non seulement permis de développer des protocoles de déprescription, mais aussi de mesurer l’impact de ces interventions sur la santé des patients, leur qualité de vie, et la réduction des risques médicaux associés à la polypharmacie.
La 2nde conférence internationale de la déprescription : un événement clé
En septembre 2024, Nantes a accueilli la 2nde conférence internationale sur la déprescription, un événement majeur qui a réuni près de 200 participants venant de différents horizons : Canada, USA, Australie, Royaume-Uni, Europe, etc. Cet événement a permis de partager les avancées scientifiques et cliniques sur la déprescription, d’échanger des expériences sur les pratiques réussies, et de poser les bases des futures collaborations internationales sur ce sujet crucial pour la santé publique.
L’organisation de cette conférence est la preuve de l’importance grandissante de la déprescription au niveau mondial et du rôle central que Nantes et ses chercheurs jouent dans ce domaine.
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Pourquoi la déprescription est-elle difficile à mettre en œuvre ?
La mise en place de la déprescription n’est pas sans obstacles. Elle implique des changements dans la manière dont les professionnels de santé abordent la prescription et le suivi des traitements. Plusieurs facteurs peuvent rendre la déprescription complexe :
1. La résistance des patients et des professionnels de santé : La peur des patients de ne pas être suffisamment traités ou la crainte des médecins de prendre des risques en modifiant des traitements à long terme sont des freins importants.
2. Le manque de protocoles standardisés : Bien qu’il existe des guides de bonnes pratiques, chaque situation est unique, et la déprescription nécessite une évaluation individuelle, ce qui peut rendre la démarche chronophage.
3. La difficulté à mesurer les résultats : L'impact d'une déprescription sur la santé d'un patient peut être long à évaluer, et certains bénéfices (comme la réduction des effets secondaires) sont difficiles à quantifier.
Les leviers pour réussir la déprescription
Malgré ces défis, des leviers existent pour faciliter la déprescription. Parmi les plus importants :
- L’accompagnement interprofessionnel : L’implication de plusieurs professionnels de santé (médecins, pharmaciens, infirmiers, etc.) permet d’assurer une meilleure évaluation des traitements et une prise de décision partagée avec les patients.
- La formation continue : Il est essentiel que les professionnels de santé soient formés aux bonnes pratiques de déprescription et à la gestion des risques associés à la polypharmacie.
- La sensibilisation des patients : Informer les patients sur les dangers de la polypharmacie et les avantages d’une déprescription encadrée est crucial pour leur adhésion à cette démarche.
- Les outils d’aide à la décision : Des outils numériques ou des guides cliniques peuvent soutenir les professionnels dans le processus de déprescription, en fournissant des recommandations basées sur des données probantes.
Conclusion : vers une médecine plus responsable et personnalisée
La déprescription représente une avancée majeure pour une médecine plus responsable, personnalisée et orientée vers le bien-être des patients. À Nantes, les chercheurs et les professionnels de santé sont en première ligne de ce combat pour une meilleure gestion des traitements médicamenteux. Grâce à leurs travaux, à l'organisation de conférences internationales et aux nombreux projets de recherche menés, la déprescription devient un enjeu majeur de santé publique, porteur d'espoirs pour une prise en charge plus adaptée et moins risquée des patients, notamment les plus vulnérables.
L’exemple de Nantes montre que la collaboration interprofessionnelle, soutenue par des études scientifiques et des innovations méthodologiques, est la clé pour réussir à mettre en œuvre la déprescription de manière efficace et durable.