Interview - Transitions écologiques et sociales : conférence-débat #3 : Les déchets comme nouvelle ressource [05 janvier 2022]

Publié par Audrey Lavau-Girard, le 21 janvier 2022   1.1k

Le 05 janvier 2022, l'Institut municipal d'Angers et le Centre de culture scientifique Terre des Sciences, en partenariat avec Angers Loire Métropole et la Maison de l'environnement, accueillirent Érica Bicchi, Amélie Châtel et Oihana Latchere dans le cadre du projet sur les Transitions écologiques et sociales. Pour cette conférence, les intervenantes reviennent sur  les enjeux écologiques majeurs d'aujourd'hui : réduction et prévention des déchets qui permettent de répondre aux conséquences économiques, sociales et environnementales.

L’économie circulaire est fondée sur l’utilisation des ressources, la diminution des impacts sur l’environnement et la santé de l'Homme. Ainsi, elle envisage les déchets comme une nouvelle ressource, réinsérés dans les cycles de production comme matières premières secondaires. Mais quel traitement fait-on de ces déchets ménagers ?

L’incinération ? Elle réduirait les déchets qui ne peuvent pas être recyclés, pour produire de l'énergie. Cependant, en Bretagne par exemple, on s’inquiète des risques de pollution, notamment  des milieux aquatiques, liés à l’utilisation des mâchefers en sous-couche routière. En milieu humide, ces résidus peuvent libérer dans l’eau à moyen ou long terme une partie de ses métaux lourds.

Pour Échosciences, nos trois intervenantes reviennent sur ces points essentiels de la conférence.

 Érica, vous êtes enseignante-chercheure à l’École d'Ingénieurs ESAIP et vous êtes engagée dans un projet international de valorisation des mâchefers associant notamment la France et l'Italie, nous y reviendrons. Tout d'abord, que sont les mâchefers ? Pourquoi les valoriser ?

Les mâchefers sont les résidus solides résultant de l'incinération des ordures ménagères et assimilés (déchets non dangereux). Il faut les valoriser pour éviter leur enfouissement et éviter l’extraction des ressources naturelles que l’homme est en train d’épuiser.

Comment peut-on utiliser les mâchefers ?  

Si leur composition minéralogique répond aux seuils réglementaires, ils peuvent être valorisés en sous couche routière.

Pouvez-vous nous parler de la valorisation des mâchefers en France et en Italie ? 

Le seuil réglementaire est différent en France et en Italie : en France, les mâchefers sont utilisés en sous couche routière, en Italie comme additifs dans la fabrication du ciment.

Érica, vous participez à un projet international dont les partenaires sont l’ESAIP La Salle (France), le Dipartimento di Scienze della Terra de l’Université de Turin (Italie), des experts industriels dans la gestion des déchets chez Véolia et Sivert.  Quels sont les objectifs de ce projet ? Ses méthodes ? Ses résultats ?

Les objectifs sont d’identifier des procédés innovants expérimentaux pour optimiser la phase d’inertage des mâchefers et ainsi développer de nouvelles filières de valorisation sans risques pour l’environnement et la santé humaine.

Pour le moment les méthodes utilisées (lavage à la vapeur, géopolymerisation, carbonatation accélérée) sont encore au niveau expérimental, mais les résultats obtenus sont prometteurs et le projet se poursuit pour développer les méthodes expérimentées à l’échelle industrielle.

Amélie et Oihana, vous êtes enseignantes-chercheures en écotoxicologie au laboratoire BIOSSE (Biologie des Organismes, Stress, Santé, Environnement) de l’Université Catholique de l’Ouest.  Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste votre domaine de recherche ainsi que nous dévoiler les missions du laboratoire ?

 Nous travaillons sur l’étude de l’impact de contaminants émergents, contaminants pour lesquels il existe à l’heure actuelle peu ou pas de réglementation quant à leur utilisation, sur des organismes marins et estuariens tels que les moules marines, les coquillages et les vers estuariens. Nous étudions en particulier les effets des nanomatériaux mais également des micro et nanoplastiques.

Nous retrouvons souvent des déchets dans les océans. Pouvez-vous estimer d’où ils proviennent ? 

 80% des déchets retrouvés en mer proviennent du continent.

On parle de risques pour l’environnement et pour la santé de l’Homme, est-ce une exagération ou est-ce concret ?

 Nos recherches montrent des effets des plastiques sur les organismes marins et estuariens. À cela s’ajoutent les effets toxiques des additifs au plastique et/ou des contaminants qui s’adsorbent sur le plastique. Le plastique devient donc chargé d’un vrai cocktail de contaminants dont les effets ont clairement été démontrés à la fois en santé environnementale et en santé humaine. 

Quels sont les projets de recherche menés par le BIOSSE ? Pourriez-vous les décrire succinctement ?

Nous avons un projet de recherche actuel, TROPHIPLAST, financé par l’ANSES [ndlr: Agence nationale de sécurité sanitaire de l'Alimentation, de l'Environnement et du Travail) , qui porte sur les impacts des micro et nanoplastiques sur différents organismes de la chaine trophique (ndlr :  ensemble de chaînes alimentaires reliées entre elles au sein d'un écosystème) où l’originalité est que nous travaillons à la fois sur le milieu marin mais également sur l’eau douce.

La problématique plastique étant globale, il est nécessaire de travailler sur plusieurs milieux. Par ailleurs, nos recherches participent également à la réglementation de l’usage des nanomatériaux, notamment dans le cadre des projets européens NanoInformatix et NanoHarmony.

Credits :

- Interview Echosciences réalisé par : Audrey Lavau-Girard, programmatrice Terre des Sciences.

- Intervenantes :

Érica Bicchi : enseignante-chercheure environnement, ESAIP La Salle – école d’ingénieurs

Amélie Châtel : enseignante-chercheure et Coordinatrice de l’équipe de recherche du laboratoire BIOSSE, UCO

Oihana Latchere : enseignante-chercheure, Laboratoire BIOSSE, UCO

Pour aller plus loin :

1/ Conférence du 05 janvier 2022

Accès présentation d'Érica Bicchi, "La valorisation des mâchefers" : https://cutt.ly/6IGoNQo

Accès présentation d'Amélie Châtel et Oihana Latchere, "Devenir et effet des plastiques dans le compartiment aquatique" :  https://cutt.ly/CIGpDeQ

2/ Dans les coulisses du laboratoire BIOSSE, Université Catholique de l'Ouest.