Co-simulation : améliorer son empreinte numérique et les temps de calcul grâce à la réduction de données !

Publié par Luisa Silva, le 28 juin 2024   680

Les logiciels de simulation numérique représentent des outils de haute-fidélité essentiels pour l'optimisation de la conception et le prototypage virtuel. Par exemple, un ingénieur peut utiliser ces logiciels pour simuler un nouveau concept d'aile d'avion, analysant ses performances aérodynamiques avant même la construction d'un prototype physique. Une telle simulation peut exiger des heures, voire des jours, de calcul intensif et consommer plusieurs gigaoctets de mémoire, mettant en lumière les importants défis liés à la gestion des ressources informatiques.

Bien que la simulation génère d'importantes quantités de données, souvent, seuls de petits extraits, correspondant à des indicateurs spécifiques, tels que les coefficients de portance et de traînée aérodynamique, sont utilisés par les ingénieurs afin de valider un nouveau concept. Le reste des données, bien que potentiellement utiles, est généralement ignoré ou archivé sans réutilisation future. Ce phénomène est encore plus marqué dans des domaines comme la mécanique des fluides non newtoniens (ou fluides complexes). Ces fluides, contrairement aux fluides newtoniens, ne présentent pas une relation linéaire constante entre la contrainte appliquée et la déformation subie, rendant leurs modélisations particulièrement gourmandes en calculs. Aujourd'hui, la mécanique des fluides numérique appliquée aux fluides non newtoniens joue un rôle significatif dans l'étude du comportement des fluides complexes, avec des applications dans plusieurs domaines industriels, allant de la fabrication de matériaux plastiques au cosmétique et à la bio-ingénierie.

Comment tirer profit des données produites chaque jour par l'industrie de la simulation? La réponse pourrait résider dans la réutilisation de ces données pour construire une base de connaissances, permettant des simulations futures plus rapides et plus intelligentes. La donnée simulée, ou donnée synthétique est vue par beaucoup de scientifiques de premier plan comme l'avenir pour entraîner les générations futures d'intelligence artificielle. Par exemple, des chercheurs en robotique utilisent des données simulées pour entraîner des modèles qui apprennent à naviguer dans des environnements virtuels avant de les appliquer au monde réel.

Les travaux de thèse de Manisha Chetry, soutenus en 2023, ont porté sur le développement d'algorithmes avancés pour l'analyse de données provenant de modèles de simulation de haute performance. Ces algorithmes visent à extraire et à formuler de nouveaux modèles à la fois performants et réactifs, en exploitant de vastes volumes de données générées par des logiciels de simulation de pointe. Cette innovation pourrait révolutionner les outils d'aide à la décision utilisés dans les domaines de la conception, de la surveillance et du contrôle en ingénierie. En améliorant l'utilisation des bases de données historiques, son approche promet de produire des données de simulation de haute qualité tout en réduisant les délais et les coûts associés aux simulations de haute performance.

Des techniques de réduction de modèles ont été utilisées pour simplifier les simulations complexes dans le domaine de la mécanique des fluides non newtoniens. Ces techniques analysent de grandes quantités de données pour en extraire leur structure sous-jacente et réduire leur complexité intrinsèque, permettant de limiter la recherche de solutions à de nouveaux problèmes à des espaces de faible dimension. Ce processus rend possible la réalisation de simulations qui nécessitaient auparavant des jours en seulement quelques millisecondes, optimisant ainsi l'utilisation des données historiques pour des simulations plus rapides et moins coûteuses en ressources.

L'un des exemples étudiés concerne l'écoulement d'un fluide viscoélastique autour d'un cylindre. Ce cas d'étude représente non seulement un défi technique pour la mécanique des fluides numériques, mais également un modèle fondamental pour étudier le comportement mécanique des suspensions de fibres longues, dans le cadre de la conception des matériaux composites à renfort fibreux. La complexité du problème s'accroît nettement avec l'introduction de fluides non newtoniens : une seule simulation peut se prolonger pendant plusieurs heures. L'objectif est de soumettre ce système à diverses conditions d'écoulement pour en analyser le comportement, ce qui pourrait traditionnellement exiger un temps de simulation considérable. Cependant, grâce à une stratégie de réduction de modèles, il est possible de réutiliser certains résultats de simulations antérieures pour "distiller" un modèle simplifié, tout en maintenant une précision comparable à celle des modèles de haute-fidélité. Cette innovation permet de réaliser de nouvelles simulations en quelques secondes seulement, au lieu de plusieurs heures. Ainsi, le cylindre peut être simulé dans diverses conditions d'écoulement, avec différentes orientations et vitesses. Enfin, ces modèles d'écoulement peuvent être extrapolés à une échelle macroscopique, utilisant des techniques d'homogénéisation pour développer des modèles prédictifs du comportement des suspensions de fibres.

Norme de la vitesse et composante principale du tenseur de conformation (grandeur qui "quantifie" l'élasticité du matériau) obtenus par simulation haute-fidélité de l'écoulement d'un fluide viscoélastique autour d'un obstacle. Erreur et accélération du temps de calcul (jusqu'à 10 000 fois!) obtenues en implémentant trois méthodes de réduction de modèles sur des données d'écoulements produites par ce type de simulation haute fidélité.

Actuellement, se travail innovant se poursuit au sein d'une start-up spécialisée, cherchant à démocratiser cette technologie pour une adoption plus large par l'industrie. Le parcours acheminé illustre comment une gestion novatrice des données de simulation a le potentiel de modifier les processus industriels, contribuant ainsi à des pratiques de conception et d'innovation plus rapides et potentiellement plus parcimonieuses en ressources.

Manisha Chetry, une jeune chercheuse dynamique originaire de Guwahati dans la région d’Assam en Inde, a choisi la France pour réaliser son projet de doctorat ambitieux, après un diplôme de Master en Mécanique Numérique obtenu entre l'École Centrale de Nantes et l'Université Polytechnique de Catalogne.



Forte d'une expérience enrichissante chez un éditeur de logiciels reconnu à l'international, elle s'est lancée dans une spécialisation prometteuse : une thèse de doctorat à l’École Centrale de Nantes. Ses travaux, intitulés "Modélisation avancée d'ordre réduit et échantillonnage paramétrique pour les écoulements de fluides non-Newtoniens", ont reçu le soutien financier du projet H2020 Stream-OD et de la Région Pays De la Loire.