Clément Lacroix, l'énergie sous pression

Publié par EchoSciences Pays de la Loire, le 28 juin 2024   360

Qu’iels se consacrent à la biologie, à l’informatique, aux mathématiques ou à d’autres domaines, les chercheuses et chercheurs ligérien·ne·s contribuent activement à élargir les horizons de la recherche en Pays de la Loire. Nous sommes donc partis à leur rencontre aux quatre coins de la région pour rencontrer des scientifiques remarquables. À travers ces portraits imagés, vous découvrirez des chercheuses et chercheurs engagé·e·s et passionné·e·s.

Clément Lacroix est enseignant-chercheur à IMT Atlantique. Depuis quatre ans, il travaille au sein du laboratoire GEPEA (Génie des Procédés Environnement - Agroalimentaire) sur le stockage d’énergie par air comprimé. En 2023, il a été lauréat du dispositif Étoiles Montantes pour son projet de développement d’une machine de production d’électricité à partir d’énergie stockée par air comprimé.

Clément Lacroix a toujours baigné dans la science. « J’ai grandi avec un père chercheur, j’ai été initié à la recherche dès mon plus jeune âge. » C’est donc naturellement que son parcours d’étudiant l’a conduit à travailler en laboratoire, puis à se diriger lui-même vers la recherche. Pour lui, la recherche est un moyen de porter des projets pendant des années, en toute autonomie, avec la liberté de choisir ses propres orientations. « C’est le côté très libre de la recherche qui m’a beaucoup plu »

En tant qu’enseignant-chercheur, et depuis quatre ans maintenant, Clément a l’opportunité de porter son propre projet de recherche sur le stockage d’énergie par air comprimé. Ce système de stockage alternatif aux batteries est destiné à un usage résidentiel ou communautaire. Bien que certains chercheurs dans le monde s’intéressent au stockage par air comprimé, cette technologie reste encore peu développée, en particulier lorsqu'elle utilise des énergies renouvelables comme les éoliennes ou les panneaux photovoltaïques. À ce jour, il n'existe pas d'application industrielle pour ce type de système, ce qui explique son retard en termes de développement. « Les deux seuls systèmes de ce type dans le monde utilisent des turbines et fonctionnent à des pressions de 40 à 60 bars », explique-t-il. Ces systèmes, développés dans les années 1980, sont malheureusement dépendantes des énergies fossiles en raison de la faible rentabilité économique de l’air comprimé.

Au département systèmes énergétiques et environnement d’IMT Atlantique, ce système était déjà étudié par des chercheurs depuis plusieurs années. À son arrivée, Clément a eu l’opportunité de s'en saisir en collaboration avec son collègue Khaled Loubar. Lorsqu'ils ont repris le projet, des questions de recherche se sont rapidement posées, notamment concernant la machine de détente. Cette machine est essentielle pour produire de l’électricité une fois que l’air a été compressé puis stocké dans des bouteilles de gaz. Avec ce type de système, le surplus d’électricité est utilisé pour mettre de l’air sous pression à partir d’un compresseur, similaire à celui utilisé pour les bouteilles de plongée. L’air est ensuite stocké dans des bouteilles sous une pression de 200 à 350 bars. Le problème réside dans le fait qu’il n’existe pas de machine de détente capable de gérer une pression aussi élevée lorsque l’on souhaite réutiliser cet air comprimé. Cela entraîne une grande perte d’énergie, car la différence de pression représente une différence d’énergie qui est alors perdue. Pour éviter cette perte, l’objectif est de détendre l’air à la plus haute pression possible en développant une technologie adaptée.

Pourquoi s’intéresser à ce type de stockage ? Cette technologie pourrait répondre aux besoins des communautés hors réseau, telles que les îles ou certains villages isolés dans le monde. Actuellement, pour disposer d’une autonomie énergétique et d’un système pilotable, ces communautés dépendent des énergies fossiles. « Pour pouvoir utiliser des énergies renouvelables dans un cadre hors réseau, il faut des moyens pour les stocker, et le stockage d’énergie par air comprimé s’y prête particulièrement bien. » La compression de l’air est une technologie accessible et conviviale, permettant une maintenance locale et une maîtrise des procédés par les habitants des communautés isolées.

Contrairement aux batteries lithium, qui posent des problèmes écologiques et de durée de vie, le stockage par air comprimé offre plusieurs avantages. « La batterie lithium telle qu’elle est conçue n’est pas durable. » En revanche, les systèmes à air comprimé utilisent des technologies basiques, sans métaux exotiques, sont réparables, et ont une durée de vie assez longue. Malgré ces avantages, les batteries lithium restent économiquement plus compétitives, ce qui explique le retard de la recherche sur les alternatives de stockage.

« Il faut être réaliste, les machines sur lesquels je travaille ont besoin de métaux (cuivre, fer…) pour la production d’électricité. Tout ne peut pas venir de France, mais on essaie d’aller dans le bon sens. »

Actuellement, le projet de recherche se concentre spécifiquement sur la machine de détente. L’objectif est de changer progressivement d’échelle pour atteindre un rendement global suffisant. Ensuite, ils pourront adapter ce système à l’application envisagée. Enfin, l’idée est de l’intégrer à un micro-réseau déconnecté, voire à terme, à un réseau national.

Grâce au financement de la Région, via le dispositif « Étoiles Montantes », Clément Lacroix a pu recruter un post-doctorant, Maxime Maurice, qui travaille avec lui sur toutes les étapes du projet, telles que l’identification des phénomènes physiques et thermodynamiques et la construction d’un banc d’essai pour développer une ou plusieurs machines de détente. Toutes ces étapes ne sont que le début de ce projet ambitieux, qui vise à proposer une véritable alternative durable pour le stockage de l’électricité issue des énergies renouvelables.

Article écrit par Maéna Gérault pour EchoSciences Pays de la Loire